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Dr Martial Amou au sujet de la transparence climatique: « Elle est essentielle pour la gouvernance des changements climatiques »

Environnement
Dr Martial Amou Dr Martial Amou

Expert en changement climatique et spécialiste Mrv dans le cadre de l’Initiative de renforcement des capacités pour la transparence (Cbit), Dr Martial Amou nous éclaire dans cette interview sur l’engagement du Bénin dans l’Accord de Paris et l’importance stratégique de la transparence dans les actions climatiques.

 

Par   Isidore GOZO, le 08 mai 2025 à 07h22 Durée 3 min.
#Changement climatique

La Nation : En quoi consiste l’engagement du Bénin dans le cadre de l’Accord de Paris ?

Dr Martial Amou : L’engagement du Bénin dans l’Accord de Paris s’exprime à travers sa Contribution déterminée au niveau national (Cdn), un document stratégique qui trace la feuille de route du pays en matière de lutte contre le changement climatique. Concrètement, le Bénin s’est fixé un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20,15 % à l’horizon 2030, comparé à un scénario de référence. Il s’agit d’un engagement ambitieux, mais réaliste, qui marque la volonté du pays de contribuer activement à l’effort mondial. Toutefois, sur le plan de l’adaptation, les objectifs sont encore en cours de formulation sectorielle.

Pourquoi la transparence climatique est-elle devenue un enjeu majeur aujourd’hui pour le pays ?

La transparence est au cœur du mécanisme de l’Accord de Paris. Elle permet de vérifier la mise en œuvre des engagements et de renforcer la crédibilité des actions entreprises. Pour le Bénin, cet enjeu est triple. Premièrement, elle améliore la gouvernance climatique nationale. La qualité des décisions dépend de la fiabilité des données. Grâce à un système Mrv (Mesure, rapportage et vérification) robuste, les acteurs peuvent accéder à des informations précises pour évaluer les efforts réalisés, corriger les trajectoires si nécessaire, et ajuster les politiques publiques. Sans données fiables, toute prise de décision serait bancale et inefficace. Deuxièmement, la transparence renforce la confiance entre les pays. Le changement climatique est un défi mondial qui exige une coopération étroite entre les États. Lorsque le Bénin prouve, avec des données vérifiables, qu’il respecte ses engagements, il consolide sa réputation sur la scène internationale. C’est aussi un message de sérieux envoyé aux partenaires et institutions multilatérales. Enfin, et c’est essentiel, la transparence favorise la mobilisation des ressources financières. Les bailleurs de fonds, qu’ils soient publics ou privés, ne s’engagent que si les mécanismes de suivi sont crédibles. Autrement dit, plus le pays est en mesure de démontrer, chiffres à l’appui, les résultats de ses politiques climatiques, plus il a de chances d’attirer des financements pour ses projets d’atténuation et d’adaptation.

Comment l’initiative Cbit contribue-t-elle à améliorer le suivi et la redevabilité des actions climatiques au Bénin ?

La Cbit est un programme de soutien technique et institutionnel mis en place pour aider les pays en développement à remplir leurs obligations de transparence dans le cadre de l’Accord de Paris. Au Bénin, cette initiative repose sur trois piliers. Le premier consiste à renforcer le système national de transparence. Il s’agit d’améliorer les outils, les bases de données, les procédures de collecte et de traitement de l’information climatique. Le deuxième pilier concerne les dispositions institutionnelles. Cela implique la mise en place d’un environnement réglementaire et organisationnel favorable, avec des textes juridiques clairs, une répartition des rôles entre les institutions, et des mécanismes de coordination efficaces. Ce cadre assure la cohérence des interventions et facilite le suivi continu des politiques. Enfin, la troisième composante porte sur le renforcement des capacités humaines et techniques. Des formations sont organisées pour outiller les experts nationaux en matière de réalisation d’inventaires de gaz à effet de serre, d’élaboration d’indicateurs d’adaptation, ou encore d’analyse des données. L’objectif est de rendre les acteurs locaux autonomes dans la conduite et le suivi des actions climatiques.

Comment le Bénin prévoit-il d’assurer la pérennité des acquis de l’initiative Cbit ?

La durabilité est un élément central du dispositif mis en place. Pour garantir la pérennité des acquis, le Bénin travaille activement à institutionnaliser les mécanismes de transparence. Cela passe par l’adoption de textes législatifs et réglementaires solides, comme la loi sur les changements climatiques déjà promulguée, mais aussi les décrets et arrêtés qui en découlent. L’un des arrêtés actuellement en phase de validation vise à clarifier les responsabilités de chaque institution impliquée dans le processus Mrv. Ce cadre juridique est la condition sine qua non pour que les structures et les dispositifs créés perdurent au-delà des projets financés à court terme. C’est aussi le socle sur lequel pourra s’appuyer une gouvernance climatique forte, capable d’assurer une transition écologique équitable et durable.