La Nation Bénin...
Le
Béninois Léonard Wantchekon, professeur à Princeton et fondateur de l’African
School of Economics, vient d’être nommé par le secrétaire général de l’Onu au
sein d’un groupe d’experts de haut niveau chargé de formuler de nouveaux
indicateurs allant « au-delà du Pib ». Une mission stratégique pour l’avenir
des politiques de développement durable.
Le
Produit intérieur brut (Pib) ne suffit plus à mesurer à lui seul le véritable
progrès d’une société, ni à refléter le bien-être des populations, la
durabilité environnementale ou la qualité des institutions démocratiques. C’est
le constat unanime qui a motivé la création d’un groupe d’experts indépendants
par le secrétaire général des Nations Unies. Dans ce cercle restreint de
technocrates, figure désormais le nom de Léonard Wantchekon, économiste
béninois de renommée mondiale, professeur à l’Université de Princeton et
fondateur de l’African School of Economics (Ase).
La
nomination de Léonard Wantchekon est une fierté pour le Bénin et pour l’Afrique
toute entière. Annoncée récemment à New York, sa nomination marque une nouvelle
étape dans son parcours intellectuel et militant, au service d’un développement
plus juste, plus humain et plus durable.
Intitulé
« Au-delà du Pib », ce groupe international composé de quatorze personnalités,
toutes issues du monde académique ou de la recherche appliquée, a pour mandat
de proposer un nouveau cadre d’analyse et un tableau de bord d’indicateurs
alternatifs. L’objectif est de sortir d’une dépendance exclusive au Produit
intérieur brut comme boussole du progrès.
Le
groupe sera coprésidé par Kaushik Basu, ancien économiste en chef de la Banque
mondiale, et Nora Lustig, spécialiste des inégalités en Amérique latine. Le
mandat de ce groupe s’inscrit dans le sillage du « Pacte pour l’avenir »,
adopté par les États membres de l’Onu, qui appelle à une transformation
profonde des outils de gouvernance mondiale. Il s’agit de mieux prendre en
compte la complexité des sociétés modernes, marquées par la crise climatique,
les inégalités structurelles, la perte de biodiversité et les limites de la
croissance matérielle.
Au cœur du changement
Avec
Léonard Wantchekon, c’est une voix africaine forte et singulière qui fait son
entrée dans ce cénacle. Diplômé d’économie politique, il s’est illustré par des
travaux pionniers sur les liens entre institutions, histoire coloniale et
trajectoires de développement. À Princeton où il enseigne la science politique
et les affaires internationales, il dirige également plusieurs projets de
recherche sur la gouvernance démocratique, l’éducation et la pauvreté. Mais son
engagement va bien au-delà des amphithéâtres universitaires. En fondant
l’African School of Economics, dont le siège se trouve à Abomey-Calavi au
Bénin, Léonard Wantchekon a voulu doter le continent africain d’une institution
de recherche de haut niveau capable de former une nouvelle génération
d’économistes enracinés dans les réalités locales mais ouverts aux standards
mondiaux.
Léonard
Wantchekon a été aussi un militant politique actif. Opposant au régime
marxiste-léniniste du Bénin dans les années 1980, il fut emprisonné pour ses
idées, avant de s’exiler et de reprendre des études aux Etats-Unis. Ce parcours
atypique nourrit chez lui une sensibilité particulière pour les enjeux de
démocratie, de mémoire et de justice sociale, qu’il place au cœur de sa
réflexion économique. Lauréat du prestigieux Prix d’économie mondiale 2023 de
l’Institut de Kiel, membre de la Société d’économétrie et de l’Académie
américaine des arts et des sciences, il rejoint ce groupe onusien à un moment
où les fractures sociales et les limites environnementales imposent de repenser
les fondements de nos modèles de développement.
Les
travaux du groupe « Au-delà du Pib » seront menés en étroite collaboration avec
les États membres et divers partenaires, sous la coordination du Département
des affaires économiques et sociales (Daes), du Pnud, de la Cnuced et du
Cabinet du secrétaire général (Eosg). Le rapport final est attendu pour la 80e
session de l’Assemblée générale des Nations Unies.
À travers cette mission, Léonard Wantchekon aura l’opportunité de porter les aspirations de millions de citoyens du Sud global vers une économie plus inclusive, fondée sur des indicateurs capables de rendre compte du bien-être, de la dignité, de l’éducation, de la santé et de la durabilité des dimensions essentielles mais longtemps négligées par le dogme du Pib.